Au début j'ai voulu faire dans le léger : si j'ai pas de nouvelles, c'est que tout va bien. Je bouffais du Christian Jacq (ouais, bon, allez-y, jetez moi des pierres !) en bronzant chez ma mère histoire de garder le contact mental. La fin août arrivant je me suis dit : si elle n'appelle pas, au moins, tu n'auras pas à subir le récit non linéaire de son voyage pendant huit heures de suite (parce que si elle a mis quatre heures en avril pour me raconter quinze jours, imaginez sept semaines !)

Puis avec ma manie des scénarios catastrophes, j'ai commencé par envisager des tas de morts plus alléchantes les unes que les autres pour ma Bardamante voyageuse : une touriste désespérée se jette de la pyramide de Touthmosis ! ; une institutrice française gobée par un crocodile sur les berges du Nil ! ; la malédiction de Ramsès touche une jeune globe-trotteuse ! ; une touriste française enlevée et mariée de force à Abydos ! ; violée pendant 62 jours dans les caves des pyramides de Saqqarah : elle survit, mais dans quel état ! ; enlèvement d'une touriste à Abou-Simbel : les ravisseurs demandent le rapatriement de toutes les antiquités égyptiennes du Louvre ! ; disparition d'une jeune française dans le temple d'Amenhotep III : les colosses de Memnon l'auraient avalée toute crue !, etc.

Quand j'ai commencé à en rêver je me suis dit qu'il fallait que j'appelle sur le fixe histoire d'avoir coloc au bout du fil mais je culpabilisais vaguement à l'idée que j'aurais quand même pu me préoccuper plus tôt du sort d'une de mes meilleures amies, j'ai attendu…, j'ai culpabilisé…, j'ai attendu…, j'ai pris mon sang froid à deux mains et j'ai appelé : eh bien rien, même pas une aventure extraordinaire avec quelques momies. Juste (et encore, c'est de analyse après coup) un sombre rituel à Thot qui aurait mal marché (une fille infoutue d'aller à l'aéroport toute seule en juillet aurait pu avoir l'idée de m'envoyer une carte postale histoire de communiquer).

Bardamante, tu me déçois très fort : ta disparition en Egypte aurait pu être délicieuse et originale, à ton image. Il aurait fallu te rapatrier et puis on aurait fait une magnifique cérémonie pour toi avec les copines (la reine des glaces aurait été habillée de noir pur, tu sais comme elle sexy comme ça)(et peut-être que cette fois-ci j'aurais réussi à l'embrasser), avec toutes les musiques dépressives que tu aimes et que je n'aime pas et des tas de rituels abscons ; on aurait même prié allah rien que pour te faire plaisir, on aurait mangé tes plats préférés en ton hommage et on aurait énormément pleuré. J'aurais même supporté de revoir Ce Connard à cette occasion.

Tout ça pour apprendre que tu étais bien rentrée ; la prochaine fois, tu ira à Orly toute seule :-).