Un vrai moment de plaisir et c'est rare : quand j'ai vu la lueur de sincère inquiétude dans les yeux du toubib. "Vous commencez ce soir, il insiste sur ce soir, et vous m'appelez s'il y a le moindre problème". Bonheur, enfin quelqu'un qui s'intéresse à ma souffrance, même si c'est que professionnel et qui ne me renvoie pas dans mes trente-six mètres ranger ma chambre, ça vaut le coup de le payer le double du tarif syndical pas pris en charge par la mgen et à voir cette lumière de sollicitude mes yeux se remplissent encore et je lui pique un autre kleenex.

Pour la 42e fois depuis lundi, je me dis qu'il était moins une. Moins une de quoi ça, je ne sais pas, peu de risques que je me retrouve en cellule capitonnée genre Ashes to ashes à bouffer une par une toutes les pages de l'intégrale de Philip K., mais en tous les cas moins une de me dire adieu tous les matins.

C'est un terrible hiver, inspiré par la trahison, l'incertitude, la peur, l'incertitude, la trahison, la peur, l'incertitude, la peur, la trahison, l'incertitude.
Et je n'en vois pas le bout.

A brader : fragments très obsessionnels de loutre, façon puzzle.

Si je mets une semaine à prendre un rendez-vous par téléphone, un mois à appeler chez mon père, un mois et demi à appeler ma mère jusqu'à me prédire les pires trucs si je ne le fais pas avant 18 h 57, alors que l'ensemble est sous mes yeux tous les jours (à côté d'autres trucs nettement plus ludiques et déjà barrés depuis belle lurette), combien d'années va-t-il me falloir pour appeler un des psys de la liste que j'ai planquée sous d'autres trucs à côté de l'ordi. Hein ?

Sinon ça va. Je suis rousse à nouveau, on ne s'en lasse pas.

Sourire énigmatique du bois dans la cheminée.

Platon est mort il y a 2354 ans, s'il y avait quelque chose tapi derrière, ça se saurait peut-être.

Ce qui ne te tue pas te rend plus forte.

Ah mais quelle conne.

Allez, refais-moi le coup
de marcher sur la lune
où j'irai, ahurie, amère, trahie,
éblouie de rancoeur

(Du bistrot de summerland d'où il me regarde goguenard, il ne m'en voudra pas, je pense, de le paraphraser encore une fois.)

Je croyais être en retard pour la mue, mais non : pile à l'heure. Nous les petits mammifères sommes des êtres d'habitudes. (Tiens, ça me fait penser que jeudi, je me suis frayée une place dans la foule d'élèves qui s'agglutinait devant le panneau d'affichage de la vie scolaire et que j'ai laissé errer mes yeux une longue minute pour voir si j'étais absente ; un long moment flottant de doute, ensuite.)

C'est doux aux yeux non, ce beigeasse ? Non ?

On corrige côte à côte en salle des profs, comme souvent en fin de semaine, puisqu'on a décidé de ne plus sacrifier au rituel à la mode ces derniers temps : classer jusqu'à la nausée des photocopies.

Il rapproche sa chaise de la mienne et on se retrouve à touche-touche ; je ne bronche pas, d'abord parce que je me demande si la copie que j'ai sous les yeux a été rédigée par le petit N. ou alors, comme c'est souvent le cas, par sa grande soeur ; ensuite parce que ça ne me déplaît pas ; enfin parce qu'on ne peut décemment pas demander à un type qui n'a manifestement pas retrouvé le chemin de sa planète en cherchant Alnitak (dans le baudrier d'Orion, au sud-sud-est de Bételgeuse) d'être au fait des us et coutumes concernant l'espace personnel en occident. Bref, il me fait :

"Qu'est-ce que tu aimes, toi ?
- Le vin, je réponds, en pensant à autre chose. Et le sexe.

Je le regarde en me disant que j'ai peut-être été trop loin, et puis j'ajoute :

- La calligraphie. Et la science-fiction.
- Oh dis, ça ferait une bonne épitaphe.
- Ouais. Dommage que je veuille être incinérée.

Lire des blogs culinaires (ben oui, j'avoue, seule la Guerrière le savait jusqu'à présent) mène à tout.

Allez, faites-moi plaisir les filles, lisez ça. (Vincent tu oses commenter je te tue ; mais tu peux filer le lien à M.)

Si quelqu'une essaie le traitement au yaourt, je veux être là. Ah oui. J'ai encore en tête la rougeur de la moule de mon exe dans ces moments-là. (C'est qu'elle avait souvent des mycoses mon exe, trop de vélo, trop de baise, trop de piscine, bref, elle avait la flore fragile). Comme elle n'était pas super douée pour la contorsion, y compris pour l'insertion de l'ovule, c'est moi qui m'en chargeais, avec l'ointage (l'oignage ? Oignez vilain, il vous poindra ; poignez vilain, il vous oindra) au Mycotruc. (Inutile d'en tirer des hypothèses sur mon présent switchage, vous là-bas, je tiens bon sur le rien, je ne suis rien).

Hmm, me fait-il, nous ne sommes pas partis parce que tu avais eu une crise d'angoisse !
Crise de loups ou pas, ça fait du bien, ce voyage inopiné à Bruxelles (ses thermes naturistes et ses libraires d'occasion, la grande vie -- surtout à poil dans le jaccuzi ou la bouteille de Tokay débouchée à l'heure du goûter ou à dénicher dans la poussière des numéros de Fiction des années 60), de petits moment de légèreté dans un grand moment de pesanteur, désolée, désolée je suis de ne pouvoir vivre dans le présent, avec L. pour une fois rassurant et moi toujours pas rassurée du tout, et lui soucieux, tellement soucieux, on ne m'enlèvera pas de la tête que -- enfin, mes aspirations conformistes pour le moment comblées, au moins jusqu'à la prochaine lune noire, belle surprise que Bruxelles :-), s'il savait à quel point ça compte.

Revenant de chez Gibert à grand coup de marche forcée (censément très bonne pour le moral), je tombe en arrêt rue des Ecoles sur le fait que je me conduis exactement comme si L. m'avait quittée, or ce n'est pas le cas, du moins pas à ma connaissance, il n'a guère péché le pauvre homme que parce qu'il s'intéresse de près à d'autres femmes que moi, et par suppression des trois sms/jour indispensables à ma survie, ce que je peux être chiante, on n'en est pas encore à la rupture et il faudra bien que je m'y habitue. Evidemment vivre sans portable jusqu'à mardi (ma carte sim s'est suicidée ce matin) ne va rien arranger.

Pshhhhhtttt, vilaine loutre je me fais, très vilaine, ça va pas non, arrête tout de suite, tu vas t'attirer toutes les bad vibes d'ici à Pluton et on sait combien de bad vibes traînent du côté de Pluton depuis cet été ; du coup j'achète une boîte d'Euphytose format familial en lieu et place du pot de Nutella que j'envisageais. Nan mais, je me fais, tu pourrais pas visualiser un truc sympa au lieu de zoner dans le décor en ruine de tes fantasmes d'abandons ? Mais c'est que je suis championne de la visualisation archi-négative, je me réponds, et que je n'arrive pas envisager comment la vie pourrait être, autrement.

Voilà comment j'ai économisé 20 minutes de psychothérapie, que j'avais de toute façon antédépensé en faisant l'acquisition des deux Amanda Cross qui me manquaient (prêter des livres qu'on ne vous rend pas fait marcher le commerce) ainsi qu'un délicieux Apologie pour Clytemnestre qui me paraît hilarant.

Quant aux rêves ça va beaucoup mieux, ce matin on faisait l'amour nus sur un trapèze L. et moi, au milieu d'élèves du groupe 2 d'une de mes classes de secondes, lesquels étaient choristes à un concert bénévole d'Arthur H. Evidemment après ça ne s'est pas arrangé, puisque L. parti, il s'est agi de louper le dernier rer, mais je mets ça sur le compte de mes obsessions.