Je ne vois vraiment pas ce que tu me trouves, je lui disais la semaine dernière au téléphone, mais remarque, je ne sais pas non plus ce que je te trouve ; mais je finis par avoir des éléments de réponse.

Tant de... douceur, de sérénité, je vais (typique, typique !) finir par m'habituer, arg. Rien de démentiel, pour une fois profiter du quotidien (autant qu'un quotidien puisse être bi-mensuel, enfin plutôt décadaire (ça se dit ? non) ou hebdomadaire en ce moment. Tiens voilà lecteur, écoute, je te raconte mon week-end, tu te moques pas, hein ?

Dimanche midi (oui enfin, bien sûr avant on manque de pas se voir pendant trois semaines, et puis évidemment et comme à chaque fois il trouve une solution, et moi je me dis diantre faudrait pas que je m'habitue à ce qu'il trouve des solutions, un jour ça va pas le faire et on va vraiment pas se voir pendant longtemps) bref (on se refait pas, hein !) dimanche midi je vais chercher le Lolo à la gare du nord, je me retrouve pour la première fois depuis juin devant le grand panneau et je rigole parce qu'en vrai en juin à 7 heures du matin je ne rigolais pas du tout devant le panneau des départs de la gare du nord parce que je savais que 11 heures plus tard j'allais le voir, son train a du retard, je me crame les mains au petit chauffage halogène (ce que c'est fascinant tout de même), j'essaie de me cacher derrière un panneau pour le voir arriver mais évidemment il passe par l'arrière du petit panneau, et on rentre.

Je lui saute dessus, on fait l'amour pendant une heure et demie avec des passages vraiment X sous la douche, on se repose, on discute, on va voir Petites Confidences, on marche et on s'embrasse sous la pluie, c'est vachement romantique (ben oui :)), on dîne chez l'Indien des Gobelins, on parle de trucs et je le barbe avec mes théories sur la syntaxe et la saisie du monde (même pas bourrée, hein !), on rentre, j'ouvre par hasard Télérama et j'avise un spécial Mars sur Arte, je rebranche la télé et là vraiment c'est le bonheur, il est à l'ordinateur, je sais qu'il est là mais il ne me bouffe pas, il se contente d'être disponible bien qu'essayant de battre son record à fruit five, et moi je reste fascinée la bouche ouverte devant un documentaire divin sur Spirit et Opportunity, ça cause d'atterrisseurs et de géologie avec de petites pierres sphériques qui se révéleront être des formes bizarres d'hématite, rhâ et rerhâ. Et puis c'est sublime d'être crevée comme ça et de se sentir autant en sécurité, comme enveloppée dans un p'tit cocon (ouais ; ben ouais), et de voir sa nuque alors que mes yeux se ferment presque tout seuls et après on se couche, on fait l'amour, et on dort.

Et le lendemain ça recommence la douceur, je bosse, il est à l'ordinateur et je me sens protégée je me demande bien pourquoi et je prépare du boulot en sifflotant (enfin, métaphoriquement parce que je ne sais pas siffler). Et puis à midi je commence à avoir peur parce que la gynéco m'a envoyée faire des tas de radios sur tous les endroits intimes de ma personne, je tourne en rond un peu en me disant que c'est exceptionnel d'avoir peur si tard dans la journée et il m'accompagne place d'Italie, et c'est vraiment délirant cette sensation d'aller faire ces radios en pensant qu'il n'est pas loin, y compris quand tu passes une demi-heure à moitié à poil sur une table d'examen à dévider des scénarios catastrophe en attendant le mec en blouse blanche (chéri, tu m'aimerais même avec un sein en moins ?). (Oui je sais : il ne m'en faut pas beaucoup ; mais quand même, quand tu es habituée à faire tout ça toute seule, ça fait l'effet d'un flacon entier d'anxiolytiques).

Et la douceur toujours en rentrant, en faisant des courses, en regardant un genre de catalogue de la redoute pour grandes personnes et à avoir envie de cocher toutes les pages, en se préparant un plateau-dvd.

Et la douceur encore mais une douceur hallucinée devant Titus, une sorte de péplum qui aurait été corrigé par un clone de Greenaway ; puis on regarde encore le début d'un autre film, on se dispute pour rire pour savoir si j'ai le droit de coucher avec Marie Gillain sans sa permission -- ou sans lui --, puis encore un grand moment avec bougie et pyjama en satin et on plonge dans le sommeil.

Et la douceur toujours le matin suivant, quand on passe un heure dans les brumes de la tendresse d'un demi-sommeil avant d'ouvrir finalement les yeux devant l'évidence : il faut vraiment se lever, j'ai école et lui son train.

Alors bon. Ça me va, moi, ce mode de vie, parce que dans le *vrai* quotidien, ça ne passerait pas.