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Un grand ancien en moins
J'ai toujours considéré Robert Sheckley comme un grand maître proto-vistan.

Un type capable de commencer une nouvelle par :
"Cordle n'était jamais arrivé à comprendre pourquoi il en était ainsi jusqu'à ce jour d'été où, défoncé à mort, alors qu'il roulait quelque part dans le nord de l'Espagne, le Dieu Thot-Hermès lui révéla le satori original en murmurant : " Eh !... Écoute, je connais bien ton problème, mon pote, mais, je vais te dire, il faut rajouter quelques carottes, sans ça ton Ragoût sera un peu tarte.
— Des carottes ? dit Cordle, tendu vers l'illumination.
— Je parle de ces types qui te les brisent, expliqua Thot-Hermès. Il faut qu'ils soient comme ça, vieux, parce que ce sont des carottes, et que les carottes sont ainsi faites.
— Si ce sont des carottes, dit Cordle, tâtant le terrain, alors je...
— Toi, bien entendu, tu es un petit oignon blanc.
— Oui ! Dieu, oui ! s'écria Cordle, ébloui par la luminosité du satori.
— Et naturellement, toi et tous les autres oignons blancs, vous pensez que les carottes ne sont que de sinistres présages, qu'une espèce d'oignon orangé difforme, alors que les carottes vous traitent d'affreuses carottes blanches et rondes ! sss !... Vous ne pouvez pas vous sentir alors que, en réalité...
— Oui, continuez ! s'écria Cordle.
— En réalité, déclara Thot-Hermès, chacun a son rôle dans le Ragoût !
— Bien sûr! Je vois, je vois, je vois
— Et cela signifie que tous ceux qui existent sont nécessaires et qu'il faut bien qu'il y ait de longues carottes orangées et détestables si tu veux avoir aussi de gentils oignons blancs décents et agréables, ou vice versa, parce que, sans tous ces ingrédients, ce n'est pas un Ragoût, en d'autres termes, la vie, ça devient... euh... voyons voir...
— Une soupe ! s'écria Cordle, au comble de l'extase. Oui, je vois maintenant — une soupe à l'oignon blanc ! Crémeuse ! C'est notre rêve paradisiaque, alors qu'un méchant potage de carottes flamboyantes, c'est notre vision de l'Enfer. Ça colle! Ça colle parfaitement bien !
— Om manipadme hum, confirma Thot-Hermès.
— Mais où vont les petits pois ? Et la viande alors, nom de Dieu?!
— Ne cours pas après les métaphores, lui conseilla Thot-Hermès, ça laisse une écume plutôt moche. Tiens-t'en aux carottes et aux oignons. Et laisse-moi t'offrir un verre — une spécialité de la maison.
— Mais les épices ? Où est-ce qu'on met les épices ? demanda Cordle, en avalant une bonne lampée d'un liquide couleur Bourgogne de son bidon rouillé.
— Mon vieux, tu poses le genre de question dont on ne peut révéler la clé qu'à un franc-maçon au treizième degré souffrant d'hémorroïdes et portant des sandales. Je regrette. Mais n'oublie pas que tout va dans le Ragoût."
... Un type comme ça aurait dû vivre plus longtemps (ceci dit, ça faisait longtemps qu'il n'écrivait plus comme ça, Sheckley).

Allez, pour la route, quelques extraits d'une interview avec Roberto Quaglia (ne faites pas remarquer que je recycle là quelque chose que certains d'entre vous ont lu il y a déjà fort longtemps sur le forum). (Je ne sais plus d'où ça sort ; d'un site de sf, et c'est traduit de l'italien).
RQ : Quelles sont les meilleures questions que tu te rappelles avoir entendu dans ta vie, en supposant qu'il y en ait eu de bonnes ?
Sheckley : J'aime la question qui dit : "Qu'est-ce qui te passes par la tête en ce moment?" C'est une question à laquelle on ne m'a jamais fait répondre.
RQ : Quels sont les meilleures questions qu'il t'es arrivé de poser à l'univers, ou à quelqu'un d'autre, en supposant qu'il y ait quelqu'un d'autre, en supposant qu'il y ait un univers ? Et quelle est ton ultime question, que tu as envie de poser maintenant ?
Sheckley : La meilleure question était : "Pourquoi y a-t-il du pourpre ?". Une autre bonne est : "Pourquoi éprouves-tu ce besoin compulsif de poser des questions ?".
RQ : Que remarques-tu de particulier dans l'existence ?
Sheckley : L'existence ? Bon sang, je n'ai jamais remarqué l'existence. C'est quelque chose comme de la gelée rose ? Ou c'est quelque chose qu'a inventé Jean-Paul Sartre entre deux cafés aux Deux Magots ?
RQ : Qui convient de ce que quelque chose semble se produire ?
Sheckley : Nous tous, mon fils. S'il ne se passait rien, Dieu se sentirait bien seul là-haut avec toutes ses Conjectures.
RQ : Quelle définition de la réalité préfères-tu, ou plutôt, laquelle désapprouves-tu le moins ?
Sheckley : La réalité est ce qui à la fin sort de mon ordinateur.
RQ : Bien, venons-en maintenant à une question classique : comment définirais-tu le mieux la science-fiction ?
Sheckley : La science-fiction est ce qui à la fin sort de mon ordinateur.
RQ : Pourquoi y a-t-il des lieux différents, s'il n'y a pas de distances ? C'est toi qui a posé cette question dans ta nouvelle A question idiote...
Sheckley : Je suis content que tu me le demandes. Pendant ce temps je vais ruminer la question, je vous demande de m'excuser.
RQ : Comment se fait-il que chaque réponse soit contenue dans les termes d'un problème plus vaste ?
Sheckley : Parce que le premier jour, Dieu a dit : "Que les généralisations soient", et que cela a toujours été depuis lors.
RQ : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Sheckley : Il n'y a pas quelque chose : il y a juste le néant déguisé en quelque chose qui ressemble beaucoup à Depardieu. C'est, entre autres, la signification réelle du cyberspace.


Ecrit par Loutre, le Jeudi 26 Janvier 2006, 21:20 dans la rubrique Journal de bord.