Le gouffre, #3
Pas très profond finalement, cette année, le gouffre. Plutôt un gouffrelet. Juste cette impression de ramper dans la fange et de ne pas pouvoir se relever. Insomnies la nuit, somnolence le jour, pas de quoi fouetter quiconque. C. me dit, à propos de samedi soir : "Et toi, tu as eu une chance appréciable par rapport à nous, c'est que dès qu'on a tourné les talons, tu as pu t'allonger et dormir... M'allonger, certes. Dormir, niet, j'aurais mieux fait d'accompagner les garçons dans leur dernière tournée des bars de nuit. A mettre sur le compte de cette fascinante journée ésotérikienne (qui a bien éloigné le gouffre pendant une douzaine d'heures). Mais hier ? Hein ? Hier ?
En fait, je me vendrai bien volontiers pour une plaquette de Stilnox, là. Ceux qui n'ont jamais de problèmes pour s'endormir -- ni pour dormir tout court -- me rendent profondément malade de jalousie. Pouvoir arrêter la bécane sur commande, pousser l'interrupteur et laisser faire le reste me semble être un don bien enviable. Ces mêmes personnes se lèvent à 7 heures le matin la tête bien sur les épaules, l'œil vif et la faim au ventre. Ils prennent un vrai petit déj., pas juste un café et une clope. Ils attendent que vous soyez réveillé pour prendre le petit déj. avec vous !!! Ils dévorent sans sourciller des tas de machins grillés et gras, avec de la confiture dessus en plus ! Et ils parlent beaucoup au petit déjeuner, des milliards de projets qu'ils ont pour la journée, de trucs, de bidules, ils parlent même assez aigu s'il s'agit de filles, ce qui est encore pire, alors que vous, vous en êtes encore à écarter vos paupières engluées de sommeil, à essayer de rattraper un vieux fond de rêve, à vous demander qui vous êtes, quel jour on est, si vous avez boulot aujourd'hui ou pas, à quelle heure vous allez bien pouvoir vous coucher le soir, et à ne pas vomir devant les tartines admirablement disposées sur une assiette. Le café est trop chaud, le jus d'orange trop froid, la radio parle trop fort et des fois même, ils mettent de la musique pop "pour vous réveiller". Mais ça va pas non? Beuh.
Je suppose que je vais bientôt le voir en technicolor, le fond du gouffre. Mutations toujours pas tombées, fête du lycée demain, puis plus rien, hormis les inévitables oraux. Ça sent la fin mes enfants, ça sent la fin. En profiterai-je pour draguer enfin ouvertement le mignon S. ? J'ai passé l'année à bouffer avec lui le lundi midi tout en révisant les rêves érotiques où il apparaissait en vedette, ce qui a fait, pendant une bonne huitaine de mois, pouffer ma copine B. Le brave S. a dû se demander pourquoi B. et moi on se bidonnait comme de parfaites petites crétines tous les lundi midi. Ce que ça peut être sérieux, un mec de 35 ans !!! C'est pas comme si j'en voulais à son âme, tout de même... C'était une charmante petite crevette que ce S., tout à fait comme il faut, avec une conversation intéressante, des yeux pétillants, mais hélas, dénué du moindre sens de la légèreté. Pfffffff.
Ecrit par Loutre, le Lundi 23 Juin 2003, 21:43 dans la rubrique Journal de bord.