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Douglas Coupland...
... est un auteur dont j'avais adoré Génération X, idôlatré Microserfs et dont je n'ai pas beaucoup aimé Toutes les familles sont psychotiques (quel titre idiot, et c'est le titre d'origine) que je viens de finir.
C'est loufoque évidemment, mais rien à voir avec les deux premiers. Il faudrait que je lise le Girlfriend dans le coma, mais j'attendrai qu'il sorte en 10/18, même si quitte à filer du blé à un éditeur, le Diable Vauvert c'est toujours mieux que le Seuil (au hasard). Premier chapitre en pdf sur le site.
Les sculptures qui sont en page d'accueil de son site (c'est-à-dire le site de Coupland, on me pardonnera de malmener la syntaxe ce soir, ça n'a rien d'évident quand on s'arrête pour chialer tous les quarts d'heures, ce qui implique d'avoir retiré ses lentilles et d'essorer ses lunettes régulièrement), les sculptures or donc, vont bien en faire rire certains.
Impossible de retrouver mon exemplaire de Microserfs, dont la couverture est d'ailleurs copieusement croquée par la chatte (au moins une habitude qu'elle n'a pas perdue, ce matin elle a osé essayer de se faire un Zelazny avec une couverture de Florence Magnin que je relisais (le livre hein...) parce que la bouffe n'arrivait pas assez vite), pour les morceaux choisis ce sera Génération X.
D'abord osons un truc : rendre hommage à Beigbeder (dont je n'ai jamais rien lu) dont la critique du bouquin est en quatrième de couv (non, c'est pas clair, je sais) et qui dit : "Avec Génération X, Douglas Coupland a écrit le manifeste de ceux qui ont eu l'idée imbécile de naitre entre 1960 et 1970. Ceux qui sont nés après la bataille et qui vieilliront dans le siècle prochain."
Déjà ça pose, surtout si vous avez eu l'idée imbécile de... Il y 10 ans quand j'ai lu le bouquin et que je bossais à la maison S., j'avais photocopié en grand des tas de phrases du bouquin que j'avais collées très soigneusement avec de la colle en bombe sur de très grandes feuilles noires en 280 g. (on avait un compte chez Graphigro ; essayez d'imaginer ça : un compte chez Graphigro. Un genre de paradis terrestre. J'y allais, je prenais ce que je voulais et je ne payais pas, c'étaient les services généraux de la boîte qui s'y collaient une fois par mois). Et j'avais affiché ça un peu partout dans mon coin et particulièrement autour de mon ordinateur, ça donnait un côté un peu cryptique à l'ensemble, c'était assez joli.
Allez, j'ouvre le bouquin au hasard et ça donne :
"Dag prétend être une lesbienne coincée dans un corps d'homme."
"Point zéro mental : l'endroit où on se visualise avant l'arrivée de la bombe atomique ; souvent un supermarché."
Complexe du survivant : la tendance à se visualiser comme le dernier humain sur Terre et à aimer ça. 'Je prendrais un hélicoptère et je bombarderais le MacDo avec des fours à micro-ondes'".
"Pour mémoire, il arriva à Dag et Claire la même chose qu'à moi : ils ne tombèrent jamais amoureux, eux non plus. J'imagine que ça aurait été trop facile. A la place, ils devinrent copains, eux aussi, et je dois dire, à défaut d'autre chose, qu'être tous copains simplifie la vie."
"Tabou personnel : petite règle de vie, à la limite de la superstition, qui permet de se piloter dans la vie quotidienne en l'absence d'interdits culturels ou religieux."
"Couage de cheveux en quatre musical : classer la musique et les musiciens en catégories pathologiquement pinailleuses."

Pause scan/ocr. (Enregistrer dans les brouillons ?)

C'est parti.

« J'ai une histoire de fin du monde », dit Dag en finissant le thé glacé dont les glaçons avaient fondu depuis longtemps. Il enleva sa chemise geste qui dévoila sa poitrine plutôt osseuse, puis il alluma une nouvelle cigarette filtre, et s'éclaircit la voix avec une nervosité jouée.
La fin du monde est un thème récurrent dans les histoires du soir de Dag, récits eschatologiques style Vous-Êtes-Dessous des effets d'un bombardement nucléaire, amoureusement détaillés et prononcés d'une voix morne. Sans beaucoup plus de cérémonie, il commença :
« Imaginez que vous faites la queue dans un supermarché, mettons, le supermarché Vons au coin de Sunset et de Tahquitz mais théoriquement ça pourrait être n'importe quel supermarché n'importe où et vous êtes d'une humeur exécrable parce que vous vous êtes disputé dans la voiture avec votre meilleur ami. La discussion est partie sur un panneau qui indiquait Daims à 2 km et vous avez dit: "Tiens, sans blague, ils veulent nous faire croire qu'il reste des daims ?", ce qui a provoqué chez votre meilleur ami, assis à la place du mort en train de fouiller la boite de cassettes, une contraction d'orteils dans ses chaussures de jogging.
Ayant senti que vous aviez touché un nerf sensible et puisque c'est marrant vous avez poussé le bouchon : "À propos", avez-vous dit, "on voit nettement moins d'oiseaux qu'avant, non ? Et aussi, tu sais ce que j'ai entendu dire l'autre jour ? Que dans les Carabes, il ne reste plus de coquillages parce que les touristes ont tout pris. Et aussi, tu n'as jamais pensé, quand tu reviens d'Europe, à huit mille mètres au-dessus du Groenland, qu'il y a quelque chose, je ne sais pas - d'inversé - dans le fait d'acheter des appareils photo, du scotch et des cigarettes si haut dans le ciel ?"
« Votre ami a explosé, il vous a traité de naze, et il a dit : "Merde, pourquoi es-tu toujours négatif ? Tu te sens obligé de déprimer sur tout ?"
« Vous avez répondu: "Négatif ? Moi ? Réaliste est le mot. Tu veux me faire croire qu'on peut rouler d'ici à L.A. et voir peut-être vingt mille kilomètres carrés de centres commerciaux, sans avoir le plus infime soupçon que quelque chose, quelque part, a tourné très très barge ?"
« La discussion ne mène à rien, évidemment. Ce genre de discussion mène toujours à rien, et vous risquez en plus qu'on vous accuse d'être négatif et démodé. Le résultat le plus clair est que vous faites la queue tout seul à la caisse trois chez Vons avec des marshmallows et des allume-feu pour le barbecue de la soirée, l'estomac lourd et acidifié par l'écœurement, et que votre meilleur ami est assis dans la voiture, ostensiblement distant et en train d'écouter un grand orchestre sur une radio A.M. qui arrose la Vallée d'une musique de patinoire en provenance de Cathedral City.
« Cependant, une partie de vous-même est fascinée par le contenu du caddy de l'obèse-sous-tous-rapports qui fait la queue devant vous.
« Pas possible, il a pris de tout. Magnums plastique de Coca light, préparations pour gâteaux aromatisés au caramel avec leur moule spécial pour micro-ondes (dix minutes de confort ; dix millions d'années dans la décharge sanitaire municipale de Riverside County), des litres et des litres de sauce spaghetti... Bon Dieu, avec ce genre de régime, la famille doit être horriblement constipée, mais tiens - c'est pas un goitre qu'il a au cou ? "Ça alors, le lait a baissé tant que ça", pensez-vous, au vu d'une étiquette sur une bouteille. Vous sentez la douce odeur cerise du présentoir à chewing-gums et des magazines neufs, populaires et frimeurs.
« Mais soudain il y a une surcharge electrique.
« La lumière s'amplifie, revient à la normale, faiblit, et meurt. Puis disparaît la Muzak, remplacée par un murmure soudain de conversation comme dans les cinémas quand le film saute. Déjà des gens se dirigent vers l'allée sept pour piquer des bougies.
«Près de la sortie, une vieille cliente lance rageusement son caddy contre des portes électriques qui ne s'ouvriront pas. Un employé essaie de lui expliquer que le courant est coupé. Par l'autre sortie, maintenue ouverte par un chariot, vous voyez votre meilleur ami qui entre dans le magasin. "Plus de radio", annonce l'ami "et regarde" - dehors, derrière les baies vitrées, vous voyez un bouquet de jets de vapeur du côté de la base navale Palm vingt-neuf, au fond de la vallée - "il se passe quelque chose. "
« C'est alors que la sirène se déclenche, le son le plus terrible qui soit, le son que vous redoutez depuis toujours. Et c'est maintenant : la bande-son pour l'enfer - gémissanté, tonnante, gazouillante, irréelle - qui aplatit et brouille l'espace-temps, tout comme un ex-fumeur réduit l'espace-temps la nuit quand il rêve avec horreur qu'il s'est remis à fumer. Mais ici l'ex-fumeur se réveille et il se retrouve une cigarette allumée à la main et l'horreur est totale.
« On entend la voix du manager dans un mégaphone, il demande aux clients d'évacuer dans le calme, mais personne ne fait très attention. On abandonne les chariots dans les allées et les corps s'enfuient, chargés de rosbifs et de bouteilles d'Évian volés qui pleuvent sur le trottoir. Le parking est maintenant presque aussi civilisé que les autos tamponneuses d'un parc d'attractions.
« Mais le gros bonhomme reste, et la caissière aussi, une blonde à mèches, nez osseux de paysanne et peau blanche translucide. Eux, votre meilleur ami et vous-même restez paralysés, sans voix, et dans votre esprit s'allume la carte murale clignotante du P.C. atomique de la mythologie - le cliché ! On y voit les traces des boules de feu, furtives et inexorables, au-dessus de la terre de Baffin, des Aléoutiennes, du Labrador, des Açores, du lac Supérieur, des îles de la Reine-Charlotte, de Puget Sound... ce n'est plus qu'une question de minutes maintenant, non ?
« "Je me suis toujours juré", dit le gros, d'une voix tellement normale que ça nous en bouche un coin, "que quand le moment viendrait, je me conduirais avec dignité jusqu'au bout et donc, Mademoiselle", dit-il en se tournant vers l'employée, "laissez-moi régler mes achats." L'employée, en l'absence d'alternative, prend son argent.
«Puis vient l'Eclair.
« "Couchez-vous", criez-vous, mais ils poursuivent leur affaire, daims paralysés par les phares. "Vous n'avez plus le temps. Mais ils ne tiennent aucun compte de votre avertissement.
« Et alors, juste avant que la baie vitrée ne devienne une nappe onduleuse, liquéfiée, implosante - la surface d'une piscine pendant un plongeon de haut vol, vu d'en dessous -
« - Et juste avant d'être mitraillé par une grêle de chewing-gums et de magazines -
« - Et juste avant que le gros soit arraché de ses chaussures, maintenu en animation suspendue et n'explose en flammes sous le plafond liquéfié qui gicle en geyser -
« Juste avant tout ça, votre meilleur ami baisse la tête, s'écroule sur vous, et vous embrasse sur la bouche, après quoi :
"Voilà", dit-il, "il y avait longtemps que j'en avais envie."
« Et c'est tout. Le vent brûlant s'engouffre en silence, pareil à l'ouverture d'un milliard de fours que vous imaginez depuis l'âge de six ans, et tout est fini : de la peur, du sexe, teintés de nostalgie. Ça ressemble assez à la vie, non ? »


Valà. Ceci dit, je ne conseille à personne de lire ce bouquin maintenant, il a épouvantablement vieilli.
Un dernier pour la route ?


« … quel sera ton meilleur souvenir de la Terre ?
— Tu veux dire quoi ? Je ne comprends pas.
— Quel moment précis définit pour toi la vie sur cette planète ? T'emportes quoi comme sandwich ?"
[...]
— J'en ai une », dit Dag avec un semblant d'enthousiasme partiellement dû, je le soupçonne au désir de marquer des points du côté d'Elvissa. « Ça se passe en 1974. À Kingston, Ohio. » Il allume une cigarette, nous attendons. « J'étais avec mon père dans une station-service et on m'avait confié la mission de faire le plein - Galaxy 500, bagnole classieuse. Faire le plein, c'était une lourde responsabilité. J'étais un de ces gosses empotés qui s'enrhument à tout bout de champ et qui pataugent dans les travaux manuels comme faire le plein ou démêler le fil de la canne à pêche. Je me débrouille toujours pour faire les trucs de travers ; pour casser ; après moi, plus rien ne marche.
« Bref, Papa était dans la boutique pour acheter une carte, moi dehors, très mâle, très fier de n'avoir pas déjà tout bousillé - mis le feu à la station-service, par exemple - et le réservoir presque plein. Eh bien, Papa est sorti en même temps que la dernière goutte, et à ce moment précis la pompe s'est emballée. Elle s'est mise à tout asperger, je ne sais pas pourquoi - elle aspergeait, point -, mon jean, mes chaussures de jogging, la plaque minéralogique, le ciment - on aurait dit un alcool violet. Papa avait tout vu et je me suis cru dans une merde totale. Je me sentais tout petit. Il a souri, au contraire, et il m'a dit: "Alors, sportif. Géant, l'odeur de l'essence, non ? Ferme les yeux et inspire. C'est propre. C'est l'odeur du futur."
« Eh bien, je l'ai fait - j'ai fermé les yeux comme il demandait, j'ai inspiré profondément. Et là, j'ai vu la violente lumière orange du soleil filtrer sous mes paupières, j'ai reniflé l'odeur de l'essence, mes jambes tremblaient. Mais c'est le seul moment parfait de ma vie, et donc si tu me le demandes, le paradis (je mise de gros espoirs là-dessus) a sérieusement intérêt à ressembler à ces quelques secondes. Voilà mon souvenir de Terre. »
« Au plomb ou sans plomb ? » demande Tobias.
— Au plomb », répond Dag.
— Parfait. »



Ecrit par Loutre, le Samedi 17 Juillet 2004, 21:45 dans la rubrique Journal de bord.

Commentaires :

Valaxaur
17-07-04 à 22:14

Loutre tu n'as pas travaillé pour rien, tu m'as donné envie de lire cet auteur que je ne connaissais pas. Avec mes salutations... ;-)

 
Loutre
17-07-04 à 22:21

Re:

Ben évidemment, écrire je ne conseille à personne de lire ce bouquin maintenant, il a épouvantablement vieilli donne immédiatement envie à ton lecteur de se jeter sur le bouquin en question... !
Bien, en 10/18 donc, entre 6 et 8 € dans toutes les bonnes librairies.
Mais ce n'est pas trop moi qui ai bossé là, plutôt OmniPage qui pour une fois a bien voulu faire son travail correctement :).

 
Zeb
19-07-04 à 20:56

Re: Re:

Tu réussis à faire fonctionner Omnipage ?!?! Faudra m'expliquer. Je garde pour moi le truc du "je ne conseille à personne de lire ce bouquin", je dois justement écrire quelques notices, ça peut aider à faire lire de bons auteurs.Bisous.

 
Loutre
19-07-04 à 21:23

Re: Re: Re:

Ben, ce n'est pas de faire fonctionner OmniPage qui pose problème, si tu as ton scanner dans sa liste. C'est plutôt sa façon de reconnaître les caractères qui pose problème ! Ça dépend beaucoup du papier : sur un 10/18 quasi-neuf par ex., c'est plus facile parce que le papier est très blanc ; plus de problèmes déjà avec un Folio, le papier est plus jaune. Et si tu vas triturer les réglages c'est encore pire ! Sur un vieux LdP des années 70, c'est carrément infaisable, mieux vaut retaper le texte en entier ! Bon enfin si tu veux que je te montre, tu passes !