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Aujourd'hui le journal me parle
Je méditais un post sur mon coup de bol/ pas de bol d'avoir un une (déjà ça commence bien je n'ai pas de mots pour décrire ce qu'on vit) histoire liaison relation amoureuse (pas mal ça : sobre, direct ; mûr, adulte) avec la seule personne au monde qui sache à quel point, et pour cause, je fonctionne sur l'angoisse, à quel point le doute est lié à ça et à quel point une crise peut me laisser vidée à plat comme une descente de lit dans ma peau de loutre sans plus rien à l'intérieur.

Ouais. Je méditais. Les cycles, les changements, nos quarante ans, les changements, les cycles, tout ça, et à quel point j'étais, par angoisse, en dehors de l'histoire et, contre l'angoisse, dans l'histoire, à vouloir ne pas y croire et à y croire, la confiance, la méfiance, au royaume des antithèses j'étais, ah que se taise la petite voix de l'expérience qui n'est (mais peut-être, peut-être, mais peut-être pas) que la voix de la peur, argbleuf et ô Déesse, donnez-moi la force de vivre mes contradictions de façon plus légère, et donnez-nous la force de vivre cette utopie et ô Déesse, tout mon coeur éperdu de loutre se serre soudain et mon corps se tend à la pensée de ce qu'on sait se faire et de ce qu'on se fera, car notre imagination et notre fantaisie sont sans limites, et encore moins en ces temps où on a des mails, des tchats et des portables pour envoyer des vidéos, nous sommes de sales mômes réjouis dans les galaxies, et nous dansons (du coup la méditation a pris un tour nettement plus fun).

Je méditais ça tout en grumphant tant et plus contre le coiffeur qui m'avait encore prise pour une habituée du Pulp, à la terrasse de mon café préféré quand j'ouvris Libé et ô le chouette petit miracle, le journal s'est mis à me parler. On n'était pas dans la pan-signification à l'extrême, plutôt dans une sorte de grâce nonchalante, quelques pas de danse tout au plus, pendant lesquels tout ce que lisais résonnait délicieusement en moi, un curieux état d'esprit fait d'ardente disponibilité, d'ouverture, de vague sérénité, d'ironie, de fin de semaine (un journal, ça ne parle pas le lundi), d'ironie et de caféine, avec à l'arrière-plan une très légère excitation, une vibration dans les seuils de l'infratruc. Et ça arrive souvent le jeudi, d'une part parce que parfois le cahier Livres est réussi, et d'autre part parce que, par la grâce du dieu des emplois du temps, j'ai souvent des bouts de journées libres le jeudi. D'ailleurs me dis-je, pourquoi cette assurance que le dieu des emplois du temps est un dieu et pas une déesse ? Hein ? C'est que je l'imagine assez bien, la trompe vert-bronze, une topaze au front, se grattant le bout d'une défense en reposant son cigare dans un cendrier en jade, puis s'étirant avec la satisfaction du devoir accompli : "humpf, je ne lui ai sauvé qu'un jeudi sur deux, enfin, c'est déjà pas si mal". Quant à finir mes posts correctement, c'est une autre histoire.


Ecrit par Loutre, le Jeudi 6 Octobre 2005, 20:20 dans la rubrique Journal de bord.