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Chronique molle
(Plus tard je suppose que je me souviendrai de cette période comme de celle où j'ai bloqué le Grenier, ne sachant plus par quel bout le prendre.)
Un soleil à l'agonie jette quelques pauvres photons sur une terre endormie, et l'achat d'un nouveau soutif me plonge dans des abîmes de perplexité.
Vrai, si j'étais une bagnole, j'aurais les bougies noyées, j'avance de deux centimètres et je cale.
Pour le moment c'est comme ça et je ne veux rien y pouvoir. Lâcher prise. (Ce terme me venant soudain sous la plume (sans métaphore aucune car j'écris dans ce lieu de non-vie par excellence : le café) m'évoque immanquablement une sorte de ballet cosmique -- probablement que j'ai dû être élevée avec 2001 et que j'ai un peu trop de sf dans le sang -- c'est que j'imagine assez bien me mouvoir parmi les étoiles, frôler parfois une comète, m'approcher d'une planète d'un orteil pour mieux rebondir, tout ça en volant comme on vole en rêve ou peut-être comme on nage sous l'eau, la peau brûlée de rayonnements, envoyer balader la gravité : lâcher prise). Et puis ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup à lâcher ou à maîtriser : much ado about nothing.
[Dans le doute j'ai balancé un flou gaussien de la mort qui tue sur le truc.]

Allez, si tu ne sais pas quoi faire me disait il y a quinze ans un vieux copain, parle de bouquins.

Frédéric Moreau donc est à genoux devant madame Arnoux et déclare "la vue de votre pied me trouble". J'ai longtemps considéré cette phrase et la scène qui suit comme la deuxième chose la plus stupide et la plus drôle de toute la littérature française(1). Maintenant j'hésite ; la scène gagne en pathétique ce qu'elle perd en franche stupidité. Probablement que je commence à m'identifier à cette pauvre Marie et un peu moins à Frédéric, le type le plus stupide du monde après Lancelot. De toute façon, c'est pas comme si Frédéric était sincère : il vient de mentir à propos du portrait de la Maréchale (ah les hommes) et s'est foutu à genoux pour cacher [la] déception causée par la vue des cheveux blancs de madame Arnoux (comme quoi avec une bonne teinture, Marie aurait eu une petite chance de se faire sauter). "Frédéric, se grisant de paroles, arrivait à croire ce qu'il disait [...] Il sentait sur son front la caresse de son haleine, à travers ses vêtements le contact indécis de son corps". Pendant ce temps, le Frédéric se pense Oh la vache, oh la vache, pourvu que ça n'aille pas plus loin...
Elle y restait [dans ses bras] la taille en arrière, la bouche entr'ouverte, les yeux levés. Tout à coup, elle le repoussa avec un air de désespoir ; et, comme il la suppliait de lui répondre, elle dit en baissant la tête: -- J'aurais voulu vous rendre heureux.
Et là, là évidemment Frédéric se dit : Putain elle va pas se déshabiller quand même ? Le narrateur, d'ailleurs, en rajoute : "Frédéric soupçonna Mme Arnoux d'être venue pour s'offrir ; et il était repris par une convoitise plus forte que jamais, furieuse, enragée". Là le lecteur se dit : bon alors ? ça se fait ? ça se fait pas ? Mais non car pas con le Frédéric : "Une autre crainte l'arrêta, celle d'en avoir dégoût plus tard. D'ailleurs, quel embarras ce serait ! -- et tout à la fois par prudence et pour ne pas dégrader son idéal, il tourna sur ses talons et se mit à faire une cigarette". Pour ne pas dégrader son idéal, mon oeil, j'y crois pas une seule seconde. Ce crétin se roule une clope !!! (Ouf se dit-il, j'y ai échappé de peu. Ouh la la un peu plus et c'était mal barré). Voui. Comment n'avoir ni remords ni regret. Frédéric Moreau, l'homme idéal.
Ouaip. Flaubert, un type qui s'y connaissait en AI.



1. La première place étant réservée à jamais à Madame de Lafayette qui a commis : "Mme de Clèves rougit de ce que Mme la Dauphine devinait si juste et de ce qu'elle disait devant M. de Nemours ce qu'elle avait deviné". On a beau adorer les enchâssements, ça fait peine à voir.

Sinon toujours pas de vie, mais au moins c'est partagé.


Ecrit par Loutre, le Mardi 9 Décembre 2003, 19:14 dans la rubrique Journal de bord.

Commentaires :

GiGiDee
09-12-03 à 20:21

excuse mon ignorance mais c'est de flaubert le bouquin dans lequel se trouve la scène que tu raconte? tu pourrais donner le titre?

tout gros bisous (et vachement bien racontée la scène! ca donne envie de lire!! )


 
Loutre
09-12-03 à 20:34

Re:

Oui ! L'Education sentimentale. Je ne devrais pas te le dire mais tant pis : c'est tout à la fin !
Bonne lecture.

 
GiGiDee
09-12-03 à 20:44

Re: Re:

ah ok c'est le seul que j'ai pas encore lu et tu me donne bien envie de m'y mettre! merci :-) !

 
Triplex Nomine
09-12-03 à 22:38


"le type le plus stupide du monde après Lancelot."
Hein ? Mais enfin, tu parles de Lancelot, là, le meilleur chevalier du monde, élevé par des fées, autrement moins niais que Perceval, ou que son fanatique rejeton de Galaad, et probablement le seul chevalier de la Table Ronde à savoir lire et écrire ! On est loin d'un viens-là-que-jet'éclate-la-face à la Gauvain.
Non, Loutre, je ne veux même pas entendre tes justifications...

 
Amorgen
10-12-03 à 11:54

Re:

@Triplex, ça va pas non? Lancelot, ce sale type qui assume pas d'avoir troussé Guenièvre (cette sale conne de Guenièvre)et qui se lamente tout le temps? tsss...alors qu'il aurait été si simple de se faire un plan à trois avec Arthur et Guenièvre pour que tout le monde y trouve son compte...
Je ne dirais rien de cette phrase mesquine sur Gauvain, qui reste à mon sens le seul "chevalier païen" digne de ce nom, même si bon il est un peu con ;-)

@Loutre, parfois à lire la sempiternelle phrase de conclusion de tes posts j'ai envie de te balancer un amical et ursidesque coup de pied au cul (mais comme tu es une dame j'oterais d'abord mes doc's) :-)


 
Loutre
10-12-03 à 17:12

Re: Re:

@Amorgen : Mmm... un coup de pied au cul ! Mais c'est exactement ce dont j'ai besoin ! Allez, juré, je change la phrase de conclusion dès demain ! (T'as de la chance d'être du même avis que moi sur Guenièvre !)

 
Loutre
10-12-03 à 17:08

Re:

Amorgen m'enlève les mots de la bouche Triplex, et oh que si, tu vas l'entendre, ma justification ! Car Lancelot avait tout pour lui, comprends-tu : beauté, intelligence, habileté aux armes, bref, tout, au point qu'il plaisait aux femmes comme aux garçons. Ce type aurait pu tout avoir, des femmes à la pelle, des amants pour agrémenter sa vie sexuelle, tous les honneurs et une médaille d'or aux épreuves de fleuret ; il aurait pu finir peinard ses jours dans une retraite dorée sur la Côte d'azur, confortablement installé sur son assurance-vie ou alors tranquille à Camaalot, à rendre visite un soir sur deux à Arthur et Guenièvre, vu que 1) le roi est un bon copain et que 2) c'est un homme de goût. Eh ben non ! Ce crétin se paie le luxe d'aimer à la folie une pétasse de la pire espèce, conne comme une valise sans poignée, avec un rire particulièrement niais. Du coup, il ne s'en remet pas, commet la terrible erreur de ne pas voir que Morgane en aurait bien fait son quatre heures (et alors là permets-moi de te dire que de résister à Morgane, c'est vraiment pas le truc à faire !) et il loupe le Graal par dessus le marché. Moi je dis : non, minute, faut pas dépasser les bornes ! L'amour ok, mais c'est pas tout ! Le boulot compte aussi ! Quand tu te retrouves à poil sans tes bottes dans la forêt, à errer des mois entiers parce que tu te souviens même plus ton nom, tout ça parce que tu es tombé amoureux de la femme de ton pote, faut avoir de l'imagination pour trouver une chute rigolote ! (Merci au Paysan de Paris pour le détournement de titre). Voilà. Moi je dis : pour un type élevé par des fées, lancelot, il assure pas un cachou !


C'est tout de même assez dingue de constater comment un post sur Flaubert peut vite parler d'autre chose :).

 
Coronis
10-12-03 à 18:06

Re: Re:

Je serais tentée de penser qu'il y a un "lancelot" étouffé ou révélé chez certains hommes et que finalement les hommes dotés du syndrome "lancelot" provoquent dans leur entourage immédiat un éblouissement bien plus unanime et intense que ceux qui en sont dépourvus...
Mais ce doit être un délire excédentaire que je dois aux manifestations d'une fièvre redoutable...

Enfin, bref, c'est pas comme si Lancelot était une référence universelle, de toutes façons...

 
zeb
15-12-03 à 22:30

Tu as la dent dure avec ce pov' Frédéric. Je l'ai longtemps détesté ce velléitaire invétéré, avec le temps il m'attendrit ce rêveur, idéaliste (oui idéaliste, malgré la clope)et incapable de vivre la réalité. Pour moi Frédéric Moreau, c'est celui qu'il ne faut pas être, l'anti modèle, parce que sans doute trop proche, comme une faille dans le caractère, qu'il faut combattre et cacher.

 
Loutre
15-12-03 à 22:40

Re:

M'étonne pas que tu l'aimes le Frédo mon Zeb !
Mouais... Quand même, le Narrateur était un peu plus classe que lui quand il disait : "Et dire, dire [...] tout cela pour une femme qui n'était même pas mon type !" (Oui je sais, la citation est boîteuse)