Steppes
Matin de brumes et de steppes, humeur de dogue à décaler l'univers.
Fenêtre de la salle 15 (c'est fou comme les salles 15 emplissent ma vie, un jour il faudra qu'on m'explique), au premier-plan un sac poubelle en plastique noir vaguement terni, aussi incongru dans la plaine qu'une idée brillante dans le cerveau de mes élèves -- inconsistants, ectoplasmiques ; ils attendent -- l'air vaguement ennuyé --, mon retour à la réalité, peut-être un autre éclat sanglant mais qui s'adresserait à l'un d'entre eux en particulier, ils anticipent leur jouissance, longs spasmes de volupté sur leur visage mais en fait -- ils attendent.
Qu'un shaman à l'odeur exotique c'est-à-dire légèrement puante et tout auréolé de gloire animale fasse une entrée spectaculaire dans la salle et qu'accompagné de son cortège d'esprits -- déjà on entend les clochettes des Sylphes -- il détruise et les murs et le prof en un seul sortilège magistralement prononcé pour les envoyer bouler cul par-dessus tête du côté de Tau-Céti
alors que je déplace imperceptiblement le calque qui opacifie la fenêtre de la salle 15 -- calque tout au plus analogique puisque retour de vacances oblige la vitre est impeccable -- quelques secondes pour que se figent les ombres rampantes, on feuillette les pages de l'univers en quelque sorte, imaginez pendant ce temps-là ce que voudrez, formes vagues oscillant entre la méduse et le dragon, l'amibe et le calmar, une stricte observance du rythme ternaire m'oblige à une troisième image, ô par pitié non, pas le poulet --, métamorphes chancelant donc entre le reptile et l'oiseau. Au loin on entend de sourds roulement de tambour ainsi que des pas qui se rapprochent à moins que ce ne soient des cliquetis de griffes ou encore un lourd martèlement de sabots.
La plaine -- ponctuée de monticules, graminées sèches sur herbes jaunes assombries ça et là de... choses plus foncées, c'est très indistinct ce brun mat sur le noir des sapins du fond ; la plaine traversée de vols d'oiseaux en formation, mettons que ce soient des étourneaux, horizon légèrement incurvé masqué parfois par des barres d'arbres en deux dimensions, ombres sur ombres mal dessinées dans le brouillard.
L'aube d'un jour sinistre etc., le camp s'éveille. Le hennissement des chevaux se fait plus présent, odeur des feux de tourbe, le vent me souffle aux oreilles, la brume se dissipe ; une main posée sur la paroi de laine feutrée de la yourte je scrute l'horizon et c'est avec un frisson d'angoisse anticipée et pourquoi pas de désir qu'enfin je vois surgir les trois représentants du shaman, trois envoyés du peuple corbeau au plumage terni par la poussière du voyage, dépenaillés, maigres, le regard rouge, qui se perchent sur un poteau commodément apparu avec des airs de propriétaires.
Puis très doucement : "Prenez vos agendas..."
Plus tard j'essaierai de mettre de l'ordre dans tout ça, de ranger les adjectifs voire éventuellement de supprimer quelques adverbes sans me sentir dépossédée tout en participant de façon sporadique à une conversation sur une collègue inconnue -- "elle ressemblait à un personnage de Rossetti mais les problèmes qu'elle avait avec ses élèves lui collaient de sacrées poussées d'acnée" --, la plaine le shaman, l'odeur des feux, et d'ajouter vacharde "une préraphaélite acnéique ça doit être quelque chose" ; vivre lucide de front dans les deux mondes comme si quelque chose tout à coup s'était débloqué, pathétique et éphémère épiphanie.
Fenêtre de la salle 15 (c'est fou comme les salles 15 emplissent ma vie, un jour il faudra qu'on m'explique), au premier-plan un sac poubelle en plastique noir vaguement terni, aussi incongru dans la plaine qu'une idée brillante dans le cerveau de mes élèves -- inconsistants, ectoplasmiques ; ils attendent -- l'air vaguement ennuyé --, mon retour à la réalité, peut-être un autre éclat sanglant mais qui s'adresserait à l'un d'entre eux en particulier, ils anticipent leur jouissance, longs spasmes de volupté sur leur visage mais en fait -- ils attendent.
Qu'un shaman à l'odeur exotique c'est-à-dire légèrement puante et tout auréolé de gloire animale fasse une entrée spectaculaire dans la salle et qu'accompagné de son cortège d'esprits -- déjà on entend les clochettes des Sylphes -- il détruise et les murs et le prof en un seul sortilège magistralement prononcé pour les envoyer bouler cul par-dessus tête du côté de Tau-Céti
alors que je déplace imperceptiblement le calque qui opacifie la fenêtre de la salle 15 -- calque tout au plus analogique puisque retour de vacances oblige la vitre est impeccable -- quelques secondes pour que se figent les ombres rampantes, on feuillette les pages de l'univers en quelque sorte, imaginez pendant ce temps-là ce que voudrez, formes vagues oscillant entre la méduse et le dragon, l'amibe et le calmar, une stricte observance du rythme ternaire m'oblige à une troisième image, ô par pitié non, pas le poulet --, métamorphes chancelant donc entre le reptile et l'oiseau. Au loin on entend de sourds roulement de tambour ainsi que des pas qui se rapprochent à moins que ce ne soient des cliquetis de griffes ou encore un lourd martèlement de sabots.
La plaine -- ponctuée de monticules, graminées sèches sur herbes jaunes assombries ça et là de... choses plus foncées, c'est très indistinct ce brun mat sur le noir des sapins du fond ; la plaine traversée de vols d'oiseaux en formation, mettons que ce soient des étourneaux, horizon légèrement incurvé masqué parfois par des barres d'arbres en deux dimensions, ombres sur ombres mal dessinées dans le brouillard.
L'aube d'un jour sinistre etc., le camp s'éveille. Le hennissement des chevaux se fait plus présent, odeur des feux de tourbe, le vent me souffle aux oreilles, la brume se dissipe ; une main posée sur la paroi de laine feutrée de la yourte je scrute l'horizon et c'est avec un frisson d'angoisse anticipée et pourquoi pas de désir qu'enfin je vois surgir les trois représentants du shaman, trois envoyés du peuple corbeau au plumage terni par la poussière du voyage, dépenaillés, maigres, le regard rouge, qui se perchent sur un poteau commodément apparu avec des airs de propriétaires.
Puis très doucement : "Prenez vos agendas..."
Plus tard j'essaierai de mettre de l'ordre dans tout ça, de ranger les adjectifs voire éventuellement de supprimer quelques adverbes sans me sentir dépossédée tout en participant de façon sporadique à une conversation sur une collègue inconnue -- "elle ressemblait à un personnage de Rossetti mais les problèmes qu'elle avait avec ses élèves lui collaient de sacrées poussées d'acnée" --, la plaine le shaman, l'odeur des feux, et d'ajouter vacharde "une préraphaélite acnéique ça doit être quelque chose" ; vivre lucide de front dans les deux mondes comme si quelque chose tout à coup s'était débloqué, pathétique et éphémère épiphanie.
Ecrit par Loutre, le Jeudi 6 Novembre 2003, 09:45 dans la rubrique Journal de bord.
Commentaires :
Re:
Tu sais, ça serait pas une mauvaise idée... j'imagine la scène... ce serait au moment où je leur parlerais d'Arthur Machen et de Pan... et à ce moment-là, faisant voler la porte en éclats, tu entres avec un hurlement à leur glacer le sang... Non parce que si même Cthulhu ne les motive pas, là, je ne sais plus quoi faire...
Pour le reste, utilise comme bon te semble, c'était marrant sur le coup cette image...
:)
Pour le reste, utilise comme bon te semble, c'était marrant sur le coup cette image...
:)
Seconde chose : "Préraphaélite acnéique" c'est sublime et évocateur, je sauve ça sur mon disque dur, je trouverai un moyen pour la ressortir ;-)
Fivefold kiss,