Toute sa vie de petit chat qui s'est arrêtée hier, 17 ans de sa vie pendant laquelle elle n'a jamais été très loin de moi.

Je me la rappelle bébé chat, tenant à l'aise dans une chaussure, (une grande passion qu'elle aura gardé jusqu'au bout, les chaussures des humains), sorte de minuscule monstre griffu qui déjà venait s'endormir dans mon giron en ronronnant.

Je me la rappelle jeune chatte, le premier arbre sur lequel elle est montée, les premières musaraignes tuées, puis tout ce tableau de chasse fièrement et presque artistiquement exposé que nous trouvions les matins d'été sur le seuil.

Je me la rappelle adulte, donnant la vie à son tour, l'expression affolée qu'elle avait eu quand j'ai dû me lever, je sens encore sa patte légère sur mon poignet, et je la revois très concentrée ensuite s'occuper de l'éducation et des soins de ses cinq petits ; je revois son air de mère de famille débordée par ces cinq enfants-chats, et l'expression appliquée avec laquelle elle expédiait plusieurs fois par jour le rituel nourriture-toilette-apprentissage de la bagarre.

Je revois toute sa vie, l'air péremptoire avec lequel elle prenait possession de tout, des lieux, des humains, de la nourriture, persuadée que le monde entier tournait autour d'elle (ce qui était assez vrai, je l'avoue) ; son attitude folâtre quand elle avait envie de faire une bêtise ou quand elle trouvait que la nourriture n'arrivait pas assez vite ; son infernale curiosité qui la poussait à vouloir tout savoir sur tout ce qui était nouveau dans la maison ; et surtout sa douceur infinie, ses yeux d'or clignant sur un sourire félin le soir, toute sa petite personne toute vrombissante de tendresse et qui jusqu'au bout aura eu confiance en moi.

Considérant que j'écris de la salle des profs, il est prudent de m'arrêter là. Pour des raisons pas si évidentes que ça je boucle la case à bavardages : pas très envie qu'un de mes trolls vienne m'emmerder avec des commentaires, ni très envie, je l'avoue, de répondre à vos messages. La voix seule suffira.