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Pas loin du gouffre (#2)
   Ouhhhhh... Extérieurement, je suis aujourd'hui une prof de lettres comblée. Le sujet tombé pour mes élèves de première S était un très joli texte de Pierre Loti, et si je ne suis pas sûre que tous s'en soient bien sortis, au moins a-t-on évité la catastophe, puisque nous avons longuement travaillé ensemble le biographique cette année.    Intérieurement je suis Nightmare-Otter, dévastée par ses rêves. Loutre insomniaque craignant tant les horreurs récurrentes envoyés par son cerveau pendant les heures qu'elle grappille à Insomnia (grrrrrrr) qu'elle préfère ne pas dormir du tout. Loutre qui, à bout de fatigue, s'est tout de même endormie cet après-midi. Trois quarts d'heure intenses pendant lesquels j'aurais mieux fait d'aller me faire pendre, tiens. Me suis retrouvée dans le pire de mes cauchemars.    Ourse, qui m'avait fait venir sur son lieu de villégiature pour me voir, et qui ne pensait qu'à quelqu'un d'autre, avec qui elle communiquait -- son et images -- via le net (mouais... c'est bizarre, cette histoire me dit vaguement quelque chose...) Moi, folle de rage, fracassant l'ordinateur, mais en pensant à le débrancher avant. Me cachant dans l'escalier après un faux départ, pour voir si elle arriverait à se reconnecter. La laissant en compagnie de notre amie commune G. Partant, chaussons aux pieds (vieux souvenir d'enfance, puisque jamais je ne porte de chaussons -- une loutre a sa dignité et préfère se mouvoir à l'intérieur sur ses pattes nues) partant dans les rues de ma ville d'enfance, sur le chemin de la gare. En repensant à ces routes parcourues dans mon rêve, par triangulation pourrait-on dire, je m'aperçois que le lieu où "habitait" Ourse est globalement l'ensemble d'immeubles où j'habitais avec ma mère lors de sa première séparation d'avec mon père ; ce qui complique le tout est que ce groupe d'immeuble était approximativement situé (à moins d'un glissement de terrain, il l'est toujours je suppose) en face de l'ancienne maison de ma grand-mère. Ma grand-mère à laquelle je pense beaucoup depuis que j'ai appris la leucémie de L.    Il s'agit bien sûr de "ma" gare, la gare fantôme qui me poursuit dans mes rêves depuis si longtemps. Dois-je dire que cette gare a deux avatars ?    Le premier de ces avatars est le plus énervant mais le moins dangereux. C'est un avatar de la gare de M., celle où j'arrivais pour aller voir mon père le mercredi, puis le week-end. (Mouarf ! C'est fou ce que ma vie depuis si longtemps est liée à la sncf...) Inutile de vouloir y acheter un billet : les files d'attente s'allongent interminablement et si comme moi vous préférez les machines, celles-là vous plairaient : on n'y trouve jamais sa destination, elles sont d'une complication telle que je préfèrerais m'adresser directement à mon terminal en Linux qu'à elles. Elle ne donnent leurs instructions qu'en norvégien ou d'autres langues encore plus ésotériques (!) et, de façon générale, vous délivrent tout ce qui est possible de trouver dans un distributeur mais pas de billet de train. J'ignore comment on paie, je ne suis encore jamais arrivée à cette étape. Pendant ce temps l'heure tourne, quoique les pendules ne marquent évidemment pas toutes la même heure. Ce n'est pas très grave puisque vous n'arrivez pas à déchiffrer les panneaux d'affichage et que vous ne savez pas quand part votre train. Ce que vous tenez à la main, ce sont les horaires de mai à septembre 1982 ; ça ne vous rassure pas. Quand vous vous résolvez à bout de panique à prendre votre train sans billet, il vous reste à trouver le quai : après des siècles entiers passés à tourner et vous retourner dans la gare, à prendre des escaliers qui ont l'air de monter mais qui en fait descendent (très perturbant ça) à éviter les escalators qui partent de nulle part pour arriver ailleurs, à essayer un par un une infinité de quais, vous vous rendez enfin à l'évidence : le train va partir (d'ailleurs, il vous passe sous le nez), ou est sur le point de partir, mais pour ailleurs (j'ai ainsi pris un train pour Calais très récemment) ou est parti depuis des heures. De toutes les manières, si vous arrivez à monter dans le train, jamais vous ne trouverez votre place : le numéro de celles-ci est en sanskrit, en alphabet de sorcière ou en runes ; mais ce n'est pas grave, puisque vous n'avez pas de billet, je vous le rappelle. Ce n'est que la plus agréable des deux gares.    La seconde est une gare de banlieue, dans laquelle je me suis retrouvée tout à l'heure. (On ne reste pas TZR pendant cinq ans sans en subir les séquelles... ) Elle est située en contrebas d'un plateau sur lequel s'entrecroisent des autoroutes, ou des nationales très importantes, ou je ne sais pas trop quoi de grand, d'urbain, et d'inhumain. Jamais énormément de circulation cependant, ce qui fait qu'en général, vous qui arrivez à pied, vous pouvez traverser (car vous n'avez jamais pris le bon chemin : dans mon rêve, vous êtes forcés d'employer des raccourcis qui vous obligent à traverser des autoroutes). Vous arrivez à ma gare. Aujourd'hui, un restaurant rapide genre Flunch avait fleuri en façade de celle-ci, et j'ai eu bien du mal à en trouver l'entrée. Je vous rappelle que j'étais en chaussons noirs brodés de paillettes (j'ai du mal à la digérer, celle-là) puisque j'étais partie précipitamment de chez Ourse après l'attentat sur son ordinateur. Je me suis vite retrouvée dans le passage souterrain censé mener sur les quais. Très souterrain et très noir, sans aucune indication. Pas de problèmes de billets, puisque j'avais ma carte orange. Dans mon sac à dos. Hum... Que j'avais laissé chez Ourse. Les quais sont situés en hauteur, ce qui donne un aperçu assez impressionnant sur la perspective des rails (il s'agit en fait d'une variation autour des quais du métro de la ligne 5 à la gare d'Austerlitz, mais c'est un détail). Avant d'arriver aux quais, il vous faut toutefois trouver lequel vous devez prendre, ce qui n'est jamais facile dans un couloir très mal éclairé qu'aucune indication ne vient égayer. Aujourd'hui, ce n'étaient pas les coups d'œil lancés dans d'immenses salles de contrôle vitrées et désertes qui allaient m'apprendre quoique ce soit sur la direction à prendre. Enfin, un panneau griffonné "…are…e…yon" me donnait vaguement la direction à suivre.    Je dois solennellement rendre grâce au type qui a sifflé dans la rue à ce moment-là et qui m'a réveillée. Sifflait-il son chien ou une passante particulièrement sexy ? Qu'importe. Médor, Mademoiselle, merci. Sans vous j'y serai encore, abandonnée humiliée les larmes aux yeux par l'ex-femme de ma vie, à attendre sur un quai sinistre, ouvert à tous les vents, un hypothétique train pour la "are e yon"... Brrrrrr

Ecrit par Loutre, le Vendredi 13 Juin 2003, 16:55 dans la rubrique Journal de bord.